Un mur, aujourd’hui, traverse la Géorgie, délimitant les régions occupées d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Construit précisément par les gens dont les idées ont été défaites le 9 novembre 1989, il vient sceller une politique d’épuration ethnique qu’un rapport commandé par l’Union Européenne vient de dénoncer et qui a conduit des centaines de milliers de civils à être expulsés de leurs villes et villages sur des critères racistes ou politiques, dans les années 1990 et en août 2008.
Des rideaux de fer enferment des peuples entiers dans un système oppressif que nous espérions à tout jamais disparu de notre continent. Ils maintiennent les jeunesses abkhazes, ossètes, tchétchènes, ingouches ou daghestanaises, mais aussi russes ou biélorusses, dans la peur et l’enfermement.
20 après la chute du Mur de Berlin et l’ouverture du rideau de fer, comment justifier que des centaines de jeunes Tchétchènes puissent être arrêtés ou enlevés chaque année ? Comment tolérer la chasse aux « culs noirs » (citoyens du Caucase ou d’Asie Centrale) qui s’organise impunément dans les rues de Saint-Pétersbourg ou de Moscou ? Comment comprendre qu’un Géorgien originaire d’Ossétie ou d’Abkhazie ne puisse se rendre sur la tombe de ses parents ? Comment admettre que les militants des droits de l’homme et les journalistes indépendants puissent être emprisonnés ou assassinés en Russie ? Comment supporter que la Pologne soit libre et non la Biélorussie ?
La même armée, les mêmes doctrines de guerre et de haine, s’appuyant sur les mêmes milices cosaques, qui ont été à l’œuvre en Tchétchénie et qui se sont rendus responsables du massacre de plus du tiers de la population, le sont aujourd’hui en Géorgie, pointée du doigt comme un bouc-émissaire, par une Russie de plus en plus autoritaire. Vladimir Poutine a qualifié la chute de l’URSS de « pire catastrophe géopolitique du XXe siècle ». Nous pensons au contraire qu’il s’agissait d’un nouveau départ pour l’idée européenne. Ce nouveau départ a porté d’indéniables fruits. Mais il n’a pas marqué le dépassement des luttes politiques et éthiques. La construction européenne, qui est la grande aventure politique de notre génération, demeure ce qu’elle a toujours été : un combat. Contre le racisme, contre le nationalisme, contre les idéologies totalitaires. Ce combat ne sera pas gagné par de simples commémorations. Il le sera par la conviction et l’enthousiasme des jeunesses européennes. Il le sera si nous n’acceptons pas qu’un pays européen soit à nouveau occupé et divisé. L’Union doit être fidèle à son histoire et à ses valeurs. La France doit, quant à elle, officiellement renoncer à vendre à la Russie du matériel de guerre, clairement destiné à attaquer Tbilissi.
La Géorgie aujourd’hui nous préoccupe et nous concerne. C’est l’idée européenne même qui, là-bas, est en jeu.
Signataires : Dominique Sopo (Président de SOS Racisme), Arielle Schwab ( Présidente de l’UEJF), Baki Youssoufou (Président de la Confédération Etudiante), Le collectif FreeCaucasus, La Maison de l’Europe et d’Orient, l’Association des Géorgiens de France, Les Jeunes Européens, Badere Karba (Président du collectif du 28 Septembre, Gauthier Caron-Thiebault (Elu PS), Patrick Klugman (Elu PS), Julien Boucher (Militant associatif, Jeudi Noir, Macaq), Nicolas Papiachvili (Président de la Fédération Jeunes Populaires du Nord), Eric Kragbé (Jeunes PRG).
Paris, le 9 novembre 1989